L’exposition de la Weissenhofsiedlung de 1927 trouve ses racines dans une période de bouleversements sociaux et économiques en Europe. À peine une décennie après la Première Guerre mondiale, l’Allemagne et l’Europe cherchaient à se redéfinir, incarnant un désir de renouveau et de modernité, tant socialement que dans le domaine de l’habitat. Le Deutscher Werkbund, une association allemande de promotion de l’architecture moderne, a vu dans l’exposition de Stuttgart une occasion unique de démontrer les possibilités offertes par l’architecture moderne. Sous la direction artistique de Ludwig Mies van der Rohe, l’événement avait pour objectif de présenter des logements modernes, fonctionnels et abordables, répondant aux besoins d’une classe moyenne en pleine expansion. En réunissant 17 architectes de renommée mondiale, y compris Le Corbusier, Walter Gropius et Hans Scharoun, cette exposition anticipait les besoins du logement et posait les bases de mouvements architecturaux qui allaient dominer le XXe siècle. Elle constituait un véritable laboratoire d’idées, où les réflexions sur le coût, la fonctionnalité et l’esthétique du logement s’imbriquaient dans une quête de rationalité architecturale. Ce contexte a permis d’offrir au public des solutions innovantes tout en posant les jalons d’une architecture tournée vers l’avenir, en quête constante de progrès et de fonctionnalité.
Parmi les idées novatrices mises en avant lors de l’exposition de la Weissenhofsiedlung, l’approche modulaire tenait une place centrale. Alors que les constructions traditionnelles reposaient sur des conceptions rigides et statiques, les architectes de l’exposition ont vu dans la modularité une opportunité de flexibilité et d’adaptation aux contextes changeants. L’idée était simple mais révolutionnaire : concevoir des bâtiments avec des composants standardisés permettant de faciliter l’assemblage rapide, tout en offrant la possibilité de personnaliser l’espace selon les besoins des occupants. Cette approche s’inscrivait dans un mouvement plus large de recherche en architecture visant à maximiser l’efficacité et à réduire les coûts de construction. Les choix architecturaux réalisés dans le cadre de la Weissenhofsiedlung privilégiaient la fonctionnalité, bannissant les ornementations excessives au profit de lignes épurées et de formes géométriques claires. L’usage de structures modulaires répondait également à un besoin de multiplication des offres de logements, en adéquation avec la croissance urbaine rapide de l’époque. Le Corbusier, par exemple, conçut des unités d’habitation qui pouvaient se répéter en blocs, prônant une conception de l’architecture comme « machine à habiter ». Cette vision préfigurait non seulement les mouvements d’urbanisation modernes, mais aussi l’essor des grands ensembles et des logements collectifs d’après-guerre. La Weissenhofsiedlung a ainsi marqué une rupture avec les méthodes constructives traditionnelles, ouvrant la voie à une architecture se réfléchissant en systèmes plutôt qu’en unique construction isolée.
L’une des contributions marquantes de l’exposition de la Weissenhofsiedlung a résidé dans la démonstration des possibilités offertes par la construction préfabriquée. Cette technique novatrice consistait à fabriquer des éléments de construction en usine pour ensuite les assembler sur site. L’intérêt de la préfabrique résidait dans sa capacité à réduire significativement le temps de construction et à limiter les coûts, tout en garantissant une qualité uniforme des matériaux. À une époque où l’urbanisation rapide exigeait des solutions à la fois abordables et rapides, la préfabrication se présentait comme une option viable et prometteuse. Les architectes impliqués dans l’exposition ont utilisé cette méthode pour construire des logements répondant aux besoins d’une population urbaine croissante. Walter Gropius, en particulier, a favorisé des constructions utilisant la préfabrication pour proposer des logements modularisés qui pouvaient s’adapter à différents besoins résidentiels. Cette technique ouvrait également la voie à une standardisation des procédés, permettant une grande cohérence architecturale, tout en se prêtant à semi-industrialisation de la construction. Le défi résidait toutefois dans l’équilibre entre industrialisation et créativité architecturale, une frontière que certains critiques considéraient parfois comme un appauvrissement architectural. Néanmoins, la Weissenhofsiedlung a ouvert la voie à l’acceptation croissante de la préfabrication au cours du XXe siècle, influençant profondément l’espace habité contemporain et contribuant à l’émergence de pratiques durables et économiquement viables. Ce laboratoire grandeur nature qu’était l’exposition de Stuttgart reste, à ce jour, un tournant dans la manière dont l’architecture peut évoluer grâce aux technologies industrielles.